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Musique

My Dead Drunk Friends

Le club de soiffards d’Alice Cooper a pris quelques rides.

 Illustrations par Brian Walsby.

La première fois que j'ai rencontré Alice Cooper, on était à une soirée sur Park Avenue au milieu des années 1970. C'était vraiment un de ces moments « je le mérite pas ». Alice était un des seuls mecs que je respectais à l'époque, parce qu'il avait percé en restant lui-même : en « plantant un pieu dans le cœur de la génération Peace & Love », pour reprendre ses propres termes, et en jouant du rock'n'roll de délinquant pour les punks comme moi. Cette nuit-là sur Park Avenue, Alice m'a proposé de l'interviewer. On s'est posés dans sa maison à Bel Air quelques jours plus tard. Alice était vraiment perturbé par ce qu'il avait entendu dire sur certains groupes punks : « Je pige rien à cette scène. Je veux dire, ils veulent se faire du fric ou pas ? »

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Je lui ai expliqué que oui, ils voulaient se faire des thunes, mais qu'ils voulaient le faire selon leurs propres termes, comme lui l’avait fait. Alice était soulagé que les punks veuillent se faire de l'argent – et on est resté amis depuis ce jour. En ce moment, il finit un album de reprises de tous ses vieux potes du club des Hollywood Vampires, ce club de soiffards du Rainbow, à Los Angeles. Parmi ses membres, on comptait Harry Nilsson, John Lennon, Ringo, Micky Dolenz, Keith Moon et Jim Morrison, entre autres sommités du rock. Je l’ai appelé pour qu’il me parle de cette période bénie.

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HOLLYWOOD VAMPIRES

Quand on a monté les Hollywood Vampires, c'était un peu un hommage aux vieux clubs de soiffards, quand John Barrymore, Errol Flynn et W.C. Fields buvaient ensemble tous les soirs. Donc j'ai dit : « Bah, on le fait quoi qu'il arrive, donc autant descendre au Rainbow pour boire… »

C'est vite devenu un truc appelé les Hollywood Vampires, et on montait sur le toit du Rainbow, on se posait et on buvait. Chaque nuit, il y avait Harry Nilsson, Bernie Taupin, Micky Dolenz, moi-même, et ceux qui se pointaient. Ringo passait de temps en temps, Keith Moon venait quand il était en ville.

John Lennon venait aussi. Lui et Harry Nilsson était comme cul et chemise, tu vois ? Donc si Harry était en ville, il était toujours avec John, et ils venaient ensemble. John était très cool, un mec de plus au club, tu vois ?

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Et Keith Moon nous faisait déconner, l’attraction c’était de découvrir ce qu’il portait le soir. Un soir il était en tenue d'Adolf Hitler et le lendemain il était déguisé en reine d'Angleterre. Il y allait à fond. Keith, c'était tout ou rien. C'est le batteur que je respecte le plus.

Keith était le meilleur pote de tout le monde. Quand il était en ville, il passait une semaine à la maison, puis il allait passer la suivante chez Harry Nilsson, et puis chez Ringo. Ce type était une pièce unique. Je dis toujours aux gens « 30 % de ce que vous avez entendu à propos de moi est vrai, 30 % de ce que vous avez entendu à propos d'Iggy est vrai, 30 % de ce que vous avez entendu à propos de Prince est vrai, et tout ce que vous avez entendu à propos de Keith Moon est vrai. »

Keith a intégré les Hollywood Vampires parce qu'il était « l'âme de la fête », c'est probablement aussi ce qui l'a tué. Il n'avait pas de bouton « off ». Mais quand tu es vraiment pote avec quelqu'un, après un bout de temps tu finis par dire : « Eh, tranquille, t'as pas besoin de me divertir… »

Il y a pas mal de mecs qui ne peuvent pas s'arrêter. Chris Farley était comme ça. Keith Moon était comme ça. Comme un gosse qui a besoin de Ritaline. C'était genre « Keith, relax, mec ! » Mais il ne pouvait pas.

JIM MORRISON

Alice Cooper : Jim était aussi autodestructeur que ce que vous imaginez, voire plus. Ça suintait des paroles de ses chansons. Il allait à une soirée – et à cette époque, dans les soirées, au lieu de Dragibus, il y avait des bols entiers de pilules – il en attrapait une poignée qu'il faisait passer avec du Jack. Il n’avait aucune idée de ce qu’il prenait.

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J'ai rencontré Jim il y a un bout de temps, quand on a bougé à Los Angeles. Les premières personnes sur lesquelles je suis tombé, c'étaient Robby Krieger et les autres mecs des Doors. Ils nous ont invités le groupe et moi à venir à Sunset Sound pendant qu’ils enregistraient. C’était extraordinaire pour la bande de fils de personne débarquant tout juste d'Arizona que nous étions.

On sortait de notre première année de fac, on avait 19 ou 20 ans. On était le plus gros groupe de Phoenix, mais on n’avait pas réalisé qu'il y avait plusieurs milliers d’autres groupes à Los Angeles. Des mecs qui venaient de l'Utah, de l'Oregon, de partout. Ils avaient la même notoriété locale que nous, mais ailleurs, et on se concurrençait sur les mêmes dates, dans les mêmes clubs. Il devait y avoir environ 20 clubs et 20 000 groupes. Et les Doors nous ont pris sous leur aile, ces mecs sont devenus nos meilleurs potes.

Je buvais pas mal avec Jim. Robby Krieger raconte souvent cette histoire : quand notre premier vinyle est sorti, on faisait la première partie des Doors dans l’Oregon et à Washington. C'était une belle opportunité pour nous, d’ailleurs on n’aurait jamais dû jouer devant tant de monde. Donc on jouait dans un grand théâtre quelque part dans l’Oregon et il y avait un balcon en face de la scène. Quand Robby a débarqué dans le théâtre, Jim et moi on était suspendus au balcon, pour voir qui tenait le plus longtemps. Je ne me souviens pas d’avoir fait ça, mais il faut dire qu’on buvait à longueur de journée.

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J'allais aux sessions d'enregistrement des Doors. Le truc qui m'a le plus marqué par rapport à Jim Morrison, c'est que la version que vous connaissez de « The End » est celle qu'il a enregistrée lors de la session à laquelle j'ai assisté. Il y avait 26 autres versions de la chanson, avec des paroles différentes, et à chaque fois qu'ils la jouaient, Jim changeait de version. Il ne faisait jamais deux fois la même. Quand Jim a fait « When the Music's Over » et beaucoup d'autres chansons, c'était de l'impro totale. Les Doors étaient très jazzy, ils improvisaient bien les uns sur les autres.

Je viens d'une toute autre école. L'école de « écris tes paroles, répète, enregistre ton album exactement comme pendant les répétitions, et joue en concert comme sur ton album ». Je ne vais jamais sur scène sans savoir ce que je vais faire !

Mais les Doors, c'était le contraire – en fait, vous savez dans « Roadhouse Blues » quand il dit « I woke up this morning, got myself a beer » ?

C'est de moi. J'étais assis là et je parlais à Jim et il m'a demandé : « T'as foutu quoi aujourd'hui ? »

Et je lui ai répondu : « I woke up this morning, got myself a beer, duh, duh, duh… »

Cette phrase a fini dans la chanson.

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DONOVAN

Une nuit, on a fait une session dans les Morgan Studios, à Londres, et on jouait « Billion Dollar Babies ». Harry Nilsson se pointe avec Marc Bolan, Ringo, Keith Moon et Ric Grech de Blind Faith. Les mecs ont fait main basse sur le studio. Aujourd'hui encore, je ne sais pas qui a joué quoi sur quoi. Je sais que Marc Bolan joue quelque part sur cet album. Harry joue aussi quelque chose. Keith est sur cet album. Ringo est sur cet album. Mais j’ai fait un blackout presque total.

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Donovan était dans le studio d'à côté en train d'enregistrer avec Mickey Most. Il avait rameuté quelques kids qui faisaient des vocaux. J'arrive pas à me rappeler quelle chanson c'était, mais je suis entré et j'ai dit : « J'ai besoin d'un mec avec un accent britannique pour faire une voix off. Donovan, il est temps que tu fasses du vrai rock'n'roll. »

Donc Donovan a dit : « Viens dans mon studio, j'ai tous ces gosses à diriger pour un vocal. »

J'ai dit : « Je m'en charge ! »

Il a dit OK. J'avais mon maquillage et tout, et les gamins étaient terrifiés, mais on a tout fait et c'était très bien.

Ensuite j'ai emmené Donovan dans le studio, et il a géré le duo de « Billion Dollar Babies » Il a tout tué.

Je suis resté pote avec Donovan. J'étais là le jour de son intronisation au Rock'n'Roll Hall of Fame. Et c'était génial de le voir là. C'est le même mec, exactement le même mec.

MARILYN MANSON

Je ne savais pas du tout si Marilyn Manson allait être un cauchemar ou pas, il partageait la tête d'affiche sur la tournée qu'on faisait. Je ne savais pas si on allait s'entendre, mais il a été cool.

Ça a fini par être super marrant. Je veux dire, il était complètement dans son élément. Zéro problème. Personne n'était en retard. Il était hyper pro et il est venu faire « I'm Eighteen » avec moi chaque soir en clôture du show.

On lui balançait le micro, il faisait le deuxième couplet et puis on finissait ensemble la chanson. Ça marchait vraiment bien. En fait, c'était pas du tout un trou du cul sur cette tournée. Son groupe était content. Ils m'ont tous dit : « Il y a une différence incroyable entre le Marilyn qui part en tournée avec vous et celui qui part avec qui que ce soit d'autre. »

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Ils disaient : « C'est le jour et la nuit. »

BACKSTAGE

Les gens ignorent encore que c’est Donovan qui chante sur « Billion Dollar Babies ». Je pensais que tout le monde était au courant. Ou que dans « Under My Wheels », c'est Rock Derringer qui joue la première guitare, pas Glen Bluxton. C'est toujours marrant quand t'entends qui a joué l'harmonica sur « Roadhouse Blues » – c'était John Sebastian, il ne voulait juste pas son nom sur l'album des Doors à cause de l'histoire avec Jim Morrison à Miami, qui aurait baissé son froc et commis un « attentat à la pudeur ». C'était pas bon pour l'image des Lovin' Spoonful d'être associés à un disque des Doors. C'est pas bizarre ? Aujourd'hui ce serait le contraire, je pense.

Ou d’apprendre que c'est Robby Krieger qui a écrit les paroles de « Light My Fire » – moi en premier, j'ai toujours pensé que c'était Jim qui s'occupait des textes.

Alice sort son nouvel album l'année prochaine. Il va s'appeler Hollywood Vampires ou My Dead Drunk Friends – Alice n'a pas encore décidé. Il part en tournée à partir du 13 octobre et il a une émission de radio, « Nights With Alice Cooper ».

En 1975, Legs McNeil a co-fondé Punk Magazine, qui est en partie la raison pour laquelle vous savez ce que ce mot veut dire. Il a également écrit Please Kill Me, ce qui fait de lui le Studs Terkel du punk rock. En plus de son travail de chroniqueur pour VICE, il continue d'écrire sur son blog, pleasekillme.com. Vous devriez aussi le suivre sur Twitter : @Legs__McNeil

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