Je vais être exécuté dans deux semaines
Illustration de Dola Sun

FYI.

This story is over 5 years old.

Crime

Je vais être exécuté dans deux semaines

Dans l'État américain de l'Arkansas, sept hommes vont mourir par injection létale ce mois-ci. Voici l'histoire de l'un d'entre eux.

Cet article a été initialement publié sur VICE US, en collaboration avec The Marshall Project.

Kenneth Williams est l'un des sept hommes dont l'exécution est prévue au cours du mois d'avril 2017 en Arkansas. Ces exécutions ont entraîné des recours de dernière minute ainsi que des plaintes contre l'État, qui utilise un sédatif controversé nommé midazolam.


Peu de gens ont vu un ordre d'exécution de leurs propres yeux, et encore moins sont ceux qui ont lu leur nom sur ledit document.

Publicité

Je me souviens que le gardien avait ordonné aux agents de sécurité de nous escorter, un à un et menottés, de notre cellule jusqu'à un petit bureau où nous attendait le personnel pénitentiaire. Le gardien a lu à voix haute les informations écrites sur le mandat : nos noms, nos crimes et le verdict du jury.

Il y eut un moment de silence. Je restais impassible : on m'avait déjà annoncé ma mort par le passé, avant de m'octroyer un sursis. Le fait de ne pas être seul dans cette situation me calmait. Nous étions huit condamnés, mais vu le respect que j'avais pour les autres détenus, j'aurais préféré être le seul à mourir [l'un des huit condamnés a vu son recours être accepté, ndlr].

On m'a donné mon mandat d'exécution – une feuille de papier plus longue que la normale, arborant le sceau doré de l'État d'Arkansas. Au bas, on pouvait voir la signature du gouverneur, Asa Hutchinson.

La mort se rapprochait.


Quand on attribue une date précise pour votre mort, vous avez envie d'être le premier à l'annoncer à votre famille. Malheureusement, c'est souvent la presse qui s'en charge à votre place. Pour le détenu, à l'approche du jour fatidique, le plus dur est de savoir que vous avez condamné vos proches à un destin amer. Une fois que vous êtes mort, eux doivent continuer à vivre.

Dans mon cas, j'ai écrit à ma fille de 21 ans pour lui annoncer la nouvelle. Je vais peut-être bientôt rejoindre sa mère dans l'au-delà, et elle va se retrouver orpheline. Rien que le fait d'écrire cette lettre me donne envie de me battre jusqu'au bout, contre le bourreau ; cependant, je suis désormais serein et équilibré, grâce au pardon que j'ai reçu de ma relation avec Jésus-Christ.

Publicité

Une fois que vous avez votre date d'exécution, les lettres n'en finissent plus d'arriver ! Connaissez-vous Dieu ? Avez-vous accepté Jésus-Christ comme votre sauveur ? Si vous ne vous repentez pas avant de mourir, vous irez en Enfer.

Ils envoient des lettres manuscrites, dactylographiées, des cartes, des livres…

La plupart finissent à la poubelle. Où étaient-ils toutes ces années, quand j'étais dans le couloir de la mort, quand j'avais besoin de ce qu'ils avaient à m'offrir ? Pour moi, ce sont des opportunistes qui ne cherchent qu'à « sauver mon âme » pour ensuite s'en vanter auprès de leurs amis.

À ce stade, soit le détenu a déjà trouvé la foi, soit il ne veut pas en entendre parler.


Certains prisonniers n'ont même pas pris la peine de rédiger des demandes de sursis, car ils savent qu'elles sont très souvent refusées. Comme ça, pas de déception.

Moi, en revanche, j'y ai vu une opportunité. Je voulais prouver que je n'étais plus la même personne. Dieu m'a transformé. Même l'être le plus vil peut se corriger et repartir de zéro. Pour moi, le fait de parler de tout cela était plus important que d'être gracié.

Aux familles de mes victimes, qui à cause de moi ont éprouvé du chagrin et de la douleur, je voudrais dire : « Je suis désolé de vous avoir privées d'un être cher. » Même si ça paraît facile ou superficiel, je le pense sincèrement et je préfère le dire plutôt que de rester silencieux.

Publicité

Des psychiatres m'ont demandé si j'avais déjà pensé à me faire du mal. Ça m'a choqué. Ils posent cette question pour s'assurer que personne ne se tue avant que l'État ne puisse le faire : ils ne veulent pas qu'on les coiffe au poteau.


Lorsqu'un détenu du couloir de la mort reçoit une date d'exécution, ses camarades ne perdent pas le sens des affaires : Laisse-moi récupérer tes baskets. Laisse-moi avoir ta montre. File-moi ta radio. Le mec a l'impression de se faire dépouiller. Quant aux choses qu'il ne veut pas donner aux autres détenus – comme les photos de famille ou les lettres – il peut les envoyer chez lui dans une boîte, avant de lui-même rentrer chez lui dans une boîte.


Un officier est venu me voir aujourd'hui et m'a demandé : « Comment ça va, Kenneth ? » Puis il a ajouté : « Tu fais quelle taille de vêtements ? Quelle pointure ? Et tu fais quelle taille tout court ? Et quel poids ? »

Tu parles d'un croque-mort qui prend les mensurations avant la mise en bière. J'ai pensé : « Est-ce qu'ils ont oublié que je suis un être humain, ou est-ce qu'ils s'en foutent ? » Puis je me suis rappelé : « Je suis dans cette situation à cause de mon propre mépris pour la vie humaine. »


Je sais que le midazolam, l'une des drogues utilisées lors des exécutions, n'anesthésiepas toujours le prisonnier. Comme je suis le dernier à être exécuté ce mois-ci en Arkansas, certaines personnes pensent que si l'une des premières exécutions rate, cela pourrait m'octroyer un sursis. Mais je ne veux pas vivre un peu plus longtemps parce que quelqu'un a souffert le martyre.


Kenneth Williams a été condamné à mort pour le meurtre de Cecil Boren, en 1999, qui a fait suite à son évasion de la prison de Grady, dans l'Arkansas. Williams venait tout juste d'entamer une peine de réclusion à perpétuité suite au meurtre de l'étudiante Dominique Hurd. Il a plus tard avoué un troisième meurtre et a également été jugé coupable de la mort d'une quatrième victime dans un accident de la route, qui a fait suite à son évasion.

Cet article est tiré de la correspondance qu'a entretenue Kenneth Williams avec Deborah Robinson, qui est en train d'écrire un livre sur ces sept condamnés à mort.