Dans les grands ports industrialisés, étendus, ultra-sécurisés, les escales d'aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec celles d'autrefois. De plus en plus brèves et fréquentes, elles obéissent aux injonctions de rapidité et de sécurité du commerce globalisé. Les machines doivent tourner, les marchandises doivent circuler. Le but est d'éviter tout grain de sable, de réduire le temps à quai – transit time – et marteler les règles de sécurité – Safety first. Derrière les façades d’acier des coques et des containers, la place de l’homme se réduit, le marin est oublié, accessoire.
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Règles de sécurité, contrôle des frontières, éloignement des centre-villes, disparition des bars et lieux de vie, tout s’oppose à la descente à terre des équipages. Jadis, les marins pouvaient profiter de certains plaisirs pour se changer les idées et mieux repartir en mer par la suite. Les marins sont devenus des ouvriers mondialisés. Confrontés à la solitude et à l’isolement en mer, ils restent maintenant invisibles lors des escales. Les marins sont souvent confrontés à l’impossibilité de sortir des ports, de plus en plus étendus et éloignés des centres-villes.
Dès lors, c'est l'attente et ces hommes de mers tuent le temps comme ils le peuvent : les cigarettes s'enchaînent et les téléphones tournent à plein régime. Dans ce contexte, les marins peuvent bénéficier de l'aide des salariés et des bénévoles de l'AHAM, l'Association havraise d'accueil des marin, qui tente de briser leur isolement lors des escales. Ils les conduisent entre les murs du foyer du Seamen's, situé dans le centre-ville du Havre, au sous-sol de l'hôtel des Gens de mer. L'établissement accueille, guide, aide les marins. Et, surtout, leur offre du calme, après des semaines en mer dans le bruit constant et la chaleurs des cargos. Des brochures éditées par l’ITF, l'organisation syndicale représentant les travailleurs du transport, sont également distribuées aux marins et leur prodiguent des conseils pour mieux vivre à bord des cargos.
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Majoritairement originaires des Philippines, où les très nombreuses écoles de formation du pays leur promettent de « See the world for free and have a girl in every port », ils s’endettent parfois pour payer leur formation qui leur vend des rêves d'ailleurs. Mais le monde à découvrir gratuitement se révèle limité à des ports-usines déshumanisés, des entrepôts ou parking gigantesques. Il ne s’agit plus alors de voir le monde mais de faire vivre sa famille en passant des mois sur un cargo. La photographe Laure Boyer est allée à la rencontre de ces marins en stand-by qui tuent le temps comme ils le peuvent, avant de reprendre la mer.Les photos ci-dessous :
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