« Vous cherchez ma grand-mère ? Elle n'est pas à la maison. Mais si vous voulez des trucs, je peux vous en vendre », m'a dit le petit garçon en ouvrant la porte de son appartement. Il est parti pendant quelque temps, avant de revenir avec une boîte en bois qu'il portait avec fierté, comme s'il s'agissait d'un jouet flambant neuf. Néanmoins, ses petits mouvements hésitants semblaient indiquer qu'il savait pertinemment qu'il faisait quelque chose de mal. La boîte contenait des petits sacs en plastique portant la mention « Cristal » [crystal].
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Nous nous trouvions au quatrième étage d'un immeuble situé dans le centre-ville de Mexico, où se trouvait également Doña Norma (son nom a été changé), 60 ans, et trois de ses petits-fils (âgés respectivement de six, quatre et un an). Doña Norma est une dealeuse, mais quand elle n'est pas à la maison, ce sont ses petits-enfants qui font tourner les affaires.Pour arriver chez elle, nous avons traversé l'entrée de l'immeuble et marché le long d'un couloir étroit menant à un escalier en béton. Certaines entrées d'appartement sont clôturées par des grilles métalliques, tandis que d'autres ont des rideaux à la place des portes. Le bloc entier sent la pisse.Au quatrième étage, on entend à peine les bruits de la rue – je n'ai pu que discerner une sorte de murmure mélangé à la musique provenant de différents appartements. J'ai frappé à la porte métallique et j'ai été accueilli par un enfant de six ans au crâne dégarni, vêtu d'un T-shirt Angry Birds.
« Ma grand-mère est partie au magasin. Mais si tu veux quelque chose, je peux te le vendre », a-t-il insisté. Un autre gamin a fait son apparition. Dans l'appartement, une petite télévision diffusait un dessin animé. Sur le sol se trouvait un tas de linge mouillé, remplissant la pièce d'une odeur humide.Les enfants n'avaient pas l'air de savoir ce qu'ils vendaient exactement, mais ils étaient très informés sur les prix : 220 pesos [12 euros] pour la moitié d'un gramme de meth. Ils m'ont aussi révélé qu'ils avaient vendu de la cocaïne, de la weed et de la MDMA.
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Nous leur avons expliqué que nous préférions attendre leur grand-mère. Nous nous sommes assis sur les escaliers, juste devant leur appartement. 20 minutes plus tard, le beau-père de l'enfant est arrivé. Il est âgé de 22 ans, et c'est le troisième mari de la fille de Doña Norma. Le jeune couple vit dans une petite chambre située dans le même appartement. C'est l'homme qui s'occupe des enfants, même s'il est rarement présent. Il nous a invités à entrer.L'appartement était relativement petit et ses murs étaient peints en bleu. Le plafond était rongé par la moisissure, montrant plusieurs traces de fuites. La première chambre à gauche comportait un lit grinçant, sur lequel était allongé un enfant d'un an qui regardait attentivement tout ce qui l'entourait.
Nous avons pris quelques photos et nos appareils ont vite fait l'objet de leur attention. Les enfants ont insisté pour les emprunter, afin de prendre quelques photos. Ils nous ont ensuite fait monter sur le toit de l'immeuble, qui était complètement désert.Ils couraient, grimpaient et jouaient comme s'ils étaient dans un parc. Quand on est enfant, tout est un jeu. À notre retour dans l'appartement, Doña Norma nous a reçus, indifférente, couchée sur son lit. Elle nous en a dit un peu plus sur son business, sans trop entrer dans les détails.Doña Norma travaille comme femme de ménage dans un hôpital de Mexico, mais elle a aussi été contrainte de dealer lors de ces 15 dernières années. « Il y a toujours des problèmes d'argent qui poussent les gens vers des emplois merdiques comme le mien. Quand on vit dans cette ville, les drogues sont les trucs les plus faciles à se procurer. »
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Elle m'a expliqué qu'elle savait qu'en dealant, elle salissait les « personnes malades » et qu'elle était désolée pour les toxicomanes. « Ce sont des gens qui ne s'aiment pas eux-mêmes et ça les met dans un sale état. Vous ne pouvez pas aimer quelqu'un si vous n'aimez pas Dieu, et si vous ne vous aimez pas vous-même », a-t-elle poursuivi.Elle nous a enfin expliqué que les affaires devenaient de plus en plus compliquées parce que la chaîne d'approvisionnement s'était agrandie. « Ces jeunes, tout ce qu'ils savent faire c'est se la raconter. C'est à cause de ces abrutis que les affaires sont si mauvaises. Le business d'un de ces connards décolle et je dois risquer ma vie en transportant toute cette merde. Ce job est très dangereux. Si je me fais prendre, personne ne prendra la suite ou ne s'occupera des enfants », a-t-elle lâché sans quitter la télévision des yeux.