Même si - par un inexplicable tour de bonneteau - vous avez réussi à ne jamais écouter un seul titre de Depeche Mode, il y a de fortes chances que vous sachiez tout de même qu'il s'agit d'un des groupes les plus importants de ces 35 dernières années et une des formations pionnières de la pop électronique et de la techno (demandez un peu à Juan Atkins ou Derrick May pour voir). Et même si vous n'avez jamais écouté un seul titre de Depeche Mode, il est fort probable que vous en ayez déjà entendu quelques-uns - que ce soit le tube synthpop « Just Can't Get Enough » ou le sombre et rétro-futuriste « Personal Jesus » (dont vous connaissez peut-être la reprise dépouillée qu'en a fait Johnny Cash, ou celle, accélérée et outrancière, de Marylin Manson). Vous vous êtes même probablement retrouvés, comme ça a été un jour mon cas, en train de marmonner les paroles de « Enjoy The Silence » sans vous en rendre compte. Il est possible que vous ayez un jour chanté les paroles de « It's No Good » sans réaliser à quel point elles sont glauques et flippantes. Vous reconnaissez sûrement le timbre de la voix de Dave Gahan, même sans connaître son nom. Tout ça parce que Depeche Mode font partie des groupes qui transcendent leur style, leur origine et leur époque.
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Depuis leur formation en 1980, alors qu'ils étaient encore ados, leur pop/rock synthétique aux accents mélancoliques a non seulement élargi l'horizon global de la musique, mais leur a également permis de vendre plus de 100 millions d'albums. Depuis 37 ans, le groupe, réduit à un trio composé de Dave Gahan, d'Andy « Fletch » Fletcher et du songwriter principal Martin Gore, n'a jamais cessé d'évoluer, en dépit des inévitables pressions générées par le succès et l'argent. À l'occasion de la sortie de leur nouvel album (le 14ème !), Spirit, produit par James Ford, de Simian Mobile Disco, nous sommes revenus avec Gore et Fletcher sur les moments-clés de leur parcours passé, présent et futur.Commençons par le présent. Le premier single tiré de Spirit s'appelle « Where's The Revolution ? ». Même si la majorité des morceaux ont été enregistrés avant que Trump ne soit élu, le disque prend clairement position contre la situation actuelle aux États-Unis – où Gore et Gahan ont vécu pendant des années, respectivement à New York et Santa Barbara – mais aussi en Angleterre, lieu de résidence de Fletch. « Ce qui est assez intéressant », constate Fletch, « c'est que les morceaux ont été écrits il y a quelques années ; ce n'est pas comme si Trump avait été élu et qu'on s'était vite mis à griffonner quelques textes en vitesse. »« Je pense que ça fait un bon moment que le monde part en couilles » ajoute Gore, « mais d'une certaine manière, l'album n'aurait pas pu mieux tomber… Mais il s'est passé tellement de choses épouvantables ces dernières années ; je pense que ce disque aurait eu du sens, même si quelqu'un d'autre avait remporté l'élection, ou s'il était sorti il y a six mois. La situation en Syrie ne s'améliore pas, et tout le Moyen-Orient s'est effondré. Je mets un peu ça sur le dos de Bush, d'avoir éliminé Saddam Hussein – je sais que Saddam était l'homme à abattre, mais laisser un vide en Irak, ce n'était pas la chose à faire. La région entière est plongée dans le chaos, et c'est ça qui est à l'origine de la crise des réfugiés. Et ici, il s'est passé quoi depuis le mouvement des droits civiques ? Pas grand chose, franchement. C'est de pire en pire. »
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« Pendant la période d'écriture de l'album, des Noirs se faisaient abattre toutes les semaines. On en est arrivé à un point où on avait l'impression que chaque semaine, quelqu'un d'autre se faisait descendre, et à chaque fois il y avait une vidéo qui montrait la victime les mains en l'air. Et c'est le gigantesque fossé qui sépare les riches et les pauvres dans ce pays – et partout ailleurs, mais surtout dans ce pays, en ce moment – qui est à l'origine de beaucoup de ces problèmes. »Ceci-dit, Gore insiste sur le fait que le groupe ne cherche pas à se faire voix de la résistance. « Pour ma part, je pense que l'album cherche vraiment à montrer aux gens qu'on s'est perdus quelque part, et qu'il faut se ressaisir » explique-t-il. « On ne fait pas de politique, mais on veut pousser les gens à réfléchir. L'album est vraiment tombé à pic pour aiguiller un peu les gens. C'est toujours la grande question : la musique peut elle vraiment peser dans la balance ? Je ne sais pas si on pourra un jour y répondre autrement qu'en disant qu'on peut aider les gens à réfléchir. Je ne m'attends pas à ce que tous nos fans se mettent d'un coup à partager nos opinions. Mais on a clairement des fans assez tarés, et si on peut les motiver et les pousser à réfléchir… »
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