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Ice-T nous parle de « New York Unité Spéciale » et d'à peu près rien d'autre

Parce qu'il a révolutionné le rap, Ice-T mérite le respect éternel. Mais ce qui le branche vraiment ces jours-ci, c'est de coffrer des violeurs d'enfants.

Les gens ont tendance à l’oublier, mais Ice-T est responsable d’un tiers au moins du paysage rap actuel. À une époque où le hip-hop était synonyme de tags, de b-boys et de bon temps, Ice-T a surgi sans sommation des bas-fonds de Los Angeles avec « The Coldest Rap » et un tout nouveau message de haine qui disait en substance : la vie est une jungle où tu dois tuer ou être tué. Il a été le premier à traduire dans ses paroles et ses productions minimalistes et ultra-agressives (qui inspireront Dr. Dre, J. Dilla et le Bomb Squad) le point de vue d’un authentique gangster de rue. Parallèlement, il a prouvé avec son groupe de heavy metal Body Count qu’il était non seulement possible de mélanger rap et rock sans déboucher systématiquement sur une catastrophe absolue, mais aussi d’en faire quelque chose qui soit à la fois radical et excitant. Clairement, le monde à une putain de dette envers Ice-T.

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Mais l'Homme est condamné à mener son inexorable marche vers la mort et, comme tout le monde ou presque, Ice-T a veilli. Et avec l'âge est venu la sagesse. Et avec la sagesse est venue la constat que le rap ne serait jamais aussi viable qu'un rôle dans une série policière couronnée d'awards. Il y a deux semaines, j'ai pu rencontrer Ice avant un de ses rares concerts, au sous-sol du Standard East Village à NYC, dans le cadre du festival CBGB. J'avais prévu de lui poser des questions sur son parcours, sur le cul stupéfiant de sa femme Coco et sur son beef légendaire avec Soulja Boy. Mais j'ai très vite réalisé que tout ce dont il voulait vraiment parler, c'était de New York - Unité Spéciale, la série où il interprète depuis 15 ans le rôle du très estimé détective Fin Tutuola.

Si vous avez besoin d'un brief sur Fin, sachez qu'il s'agit d'un flic bourru mais super attachant qui passe globalement son temps à halluciner sur la vilenie et la perversité des gens, alors qu'il bosse dans une unité où le quotidien est fait de putes mortes, de types qui trafiquent des espèces protégées de singes pour la fabrication de baguettes chinoises de luxe, et de Jerry Lewis surgissant de nulle part pour pousser un type sur une voie ferrée. En gros, New York - Unité Spéciale est une des meilleure séries que vous pourrez voir à la télévision, Fin Tutola est le truc le plus cool de toute la série, et Ice-T est une putain de légende. Alors si Ice-T à envie de te parler de New York - Unité Spéciale et de rien d'autre, tu parles de New York - Unité Spéciale et de rien d'autre.

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Noisey : Tu ne fais plus beaucoup de concerts. Il y a une raison à ça ?
Ice-T : Je faisais pas mal de one-shots, de dates isolées ici et là, mais elles ont toutes finies par se transformer en « apparitions spéciales », où je me pointe avec Coco et où on me met dans un coin pour faire 2 ou 3 morceaux. Mais même ça c'est devenu difficile avec mon emploi du temps sur New York - Unité Spéciale.

Ça fait quoi d'être une légende ?
Je ne sais pas s'il est possible de réaliser que tu es une légende. C'est le genre de truc que les autres te disent. C'est comme quand une fille dit qu'elle se trouve belle—ça ne compte pas vraiment. Ce genre de compliment doit venir de l'extérieur. Et puis, pour devenir une « légende », il faut que ta réputation traverse plusieurs générations. Il faut que les gens racontent des histoires sur ton compte, des vraies, des fausses. Là, tu deviens une vraie légende populaire. Tu sais, les trucs genre « il paraît qu'un jour, Ice-T a tué 7 mecs d'un coup ! », toutes ces histoires complètement tarées. Parfois c'est vrai, parfois c'est faux. Mais tu en as besoin. Sinon ça ne marche pas. J'entends pas mal de gens dire « Ice-T n'est pas suffisament respecté », mais franchement, s'il fallait que je sois plus respecté, les gens devraient me baiser les pieds. J'ai tout le respect qu'il me faut. J'ai ce que je mérite.

Le truc avec New York - Unité Spéciale, c'est que des tas de gamins ne réalisent pas, du coup, que tu as techniquement inventé le gangsta-rap.
Je joue dans New York - Unité Spéciale depuis 15 ans. Si tu as 17 ans, ça veut dire que tu me vois dans cette série depuis que tu as deux ans. Tu me considères donc comme un acteur et pas comme un rappeur, contrairement à ton père ou à ta mère. Mais avec YouTube et tous ces trucs, tu peux revenir en arrière, te documenter. Est-ce qu'un gamin de 17 ans doit obligatoirement le faire ? Et me respecter pour ça ? Je ne sais pas. Mais c'est intéressant. Le rap, c'est comme une fontaine de jouvence. Dès que je me mets à rapper, j'ai l'impression d'avoir 24 ans, de revenir à l'époque où j'ai sorti mon tout premier disque. J'imagine que Mick Jagger redevient le jeune Mick Jagger de ses débuts quand il monte sur scène. Et j'imagine que pas mal de gens dans la salle redeviennent alors les gamins qu'ils étaient lorsqu'ils ont entendu le groupe pour la première fois. Je suis content de toujours faire partie du truc.

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Quelle a été ta première réaction quand tu as entendu le nom « Dick Wolf » (le producteur de la série) ?
Que c'était quelqu'un de dangereux. Les loups (« Wolf ») sont dangereux. Les bites (« Dick ») sont dangereuses. Et je peux te dire que le mec porte bien son nom. Il est genre super balèze. Le type de bonhomme que tu imagines tout à fait en train de présider une réunion de mafieux, tu vois ? Il est hyper sérieux. Dieu bénisse Dick Wolf. Il ne m'a jamais fait de chèque en bois, je n'ai rien de mal à dire sur lui. Dans ce milieu, si tu as un type comme Dick Wolf de ton côté, tu es intouchable. Dick Wolf m'a acheté des voitures, il m'a payé des vacances… Je ne peux pas en vouloir à ce mec.

Ce que j'aime quand tu joues les flics, c'est cette empathie que tu as pour les criminels.
Quand Dick Wolf m'a proposé de jouer dans New York - Unité Spéciale, il m'a dit « Ice, j'imagine que tu n'aimes pas vraiment les flics ». Je lui ai répondu que je n'avais pas de problèmes avec les flics en général. « J'en déteste quelques-uns. Mais certains sont cools ». Il a fait « ok, tu reconnais qu'on a besoin d'eux. ». Et j'ai répondu « ouais, bien sûr. » Alors il m'a dit « j'ai besoin de toi pour un rôle de flic. » Et c'est ce que tu vois à l'écran aujourd'hui. Ice-T qui joue un flic. C'est à dire que si j'étais vraiment un flic, je serais ce flic là. Dans New York - Unité Spéciale, on court après des violeurs et des pédophiles. On n'est pas vraiment en zone trouble. Je n'ai affaire qu'à de vraies ordures. Des mecs dont même les prisons ne veulent pas. C'est ce genre de flic que j'ai envie d'être.

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Dans New Jack City, tu étais plutôt…
Dans New Jack City j'étais un flic infiltré. Il fallait que le personnage de Nino puisse croire que je n'étais pas un flic. Il fallait que je sois crédible en tant que gangster.

LL Cool J est lui aussi une légende du rap avec un rôle dans une série policière. Il y a toujours un beef entre vous ?
C'est intéressant, parce que LL et moi, on a vraiment suivi des voies parallèles. À l'époque, on se clashait dans nos morceaux. Juste parce qu'il était de New York et moi de L.A. On voulait être les meilleurs. Tout le monde dans le rap veut être le meilleur. C'est pour ça que les gens aiment Kendrick Lamar. Ça fait partie du truc. Alors quand je vois LL, sa carrière au cinéma, à la télé… Il a fait des sitcoms. Moi, pas encore. Il joue dans Les Experts… Je trouve ça cool de voir un rappeur de ma génération toujours aussi actif, toujours aussi investi. On s'est croisé il y a quelques temps dans un festival de télé à Monte Carlo. Je suis content pour lui, sérieux.

Drew Millard est rédacteur pour Noisey USA. Il est sur Twitter - @drewmillard