Contrairement à l’idée reçue, un coming out n’est pas un instant précis dans la vie d’une personne LGBT+. Il faut commencer par le faire avec soi-même, puis ensuite perpétuellement autour de soi. À chaque nouvelle rencontre, à chaque nouveau job. Si certains ont eu lieu par hasard, voire de façon comique, pour beaucoup ce sont encore des souvenirs très douloureux qui laissent des traces indélébiles.
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Thomas, 25 ans, physio
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Pénélope*, 57 ans, artiste
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François, 33 ans, producteur
Ettore, 25 ans, artiste
« Il y a encore beaucoup à faire avant que nos coming out deviennent banals, ou ne soient plus nécessaires »
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Ce n’est que lorsque je leur ai fait mon coming out trans et bisexuel (sept ans après, tout ça dans une longue lettre très amère), que ma mère s’est excusée de son comportement en m’expliquant que son silence était la seule réaction dont elle était capable. Au sein de la communauté LGBT+ aussi, il faut parfois faire des coming out : les gays et lesbiennes reproduisent souvent des schémas normés mono-sexuels et cis. Y faire un coming out trans, bi ou pansexuel peut y être l’objet de rejets ou d’incompréhensions. Il y a encore beaucoup à faire avant que nos coming out deviennent banals, ou ne soient plus nécessaires. L’homophobie est une culture, qui va bien au-delà des violences physiques : c’est tout un système, et il faut faire l’effort de désapprendre cette culture. La bonne foi ou les simples intentions positives ne pourront plus suffire. »« J'ai fait deux coming out. Le premier, c'était à 13 ans. Arrivée à New York pour vivre avec ma mère, j'ai cru que ma vie deviendrait un peu comme les sitcoms anglophones que j'adorais. À la moindre discorde, je partais m'enfermer dans ma chambre en claquant la porte et en gueulant « I hate you ! ». Un soir, j'étais à fleur de peau – je venais de me prendre un râteau de mon girl crush –, je lui ai lancé en pleine tête : « Je suis lesbienne ! ». Elle me regarde ébahie mais pas un mot. Elle avait pas dû apprendre sa réplique. Clairement mon rôle principal dans une série B, c'était pas pour tout de suite. Deuxième coming out. Je venais de me séparer de mon premier amour. Nouvellement célibataire, une "copine" vient régulièrement dormir à la maison. Ma mère capte qu'il y a quelque chose, et me confronte. Un peu stressée quand même, je lui avoue qu'on est ensemble. Et là, contre tout attente, elle me répond: « Ah mais c'est super ! You are such a free spirit ! Maintenant tu sortiras plutôt avec des filles ou avec des garçons ? ». Plus malaisant que de faire son coming, c'est de parler de sa vie sexuelle avec sa mère. Par contre, j'attends toujours mon moment d'amour digne d'une sitcom. »« J’avais 17 ans quand j’ai voulu faire mon coming out à mes parents. Je venais de commencer mes études de médecine et j’avais quitté le nid familial, je me disais que le moment que j’attendais allait enfin arriver. Pendant les vacances d’été j’avais rencontré un Marseillais, à Londres. Ça a été mon premier coup de foudre, littéralement à Notting Hill. Le besoin de faire mon coming out à mes parents devenait encore plus pressant, et je savais que j’aurais le soutien de mes grandes sœurs, bien qu’elles-même redoutaient la réaction de ma mère. Mes parents, tous les deux coiffeurs de métiers, ont toujours eu beaucoup d’amis et de collègues LGBTQ, et ont toujours été très ouverts, mais « pas chez nous ». Je n’arrivais donc pas à trouver le bon moment pour avoir LA discussion.
Ally, 33 ans, réalisatrice
Jérémy, 30 ans, psychiatre
« Après ça, le silence. Puis le soutien de mes sœurs, le temps, l’évolution de la société, de la représentation et des droits LGBTQ ont eu raison de l’entêtement de mes parents »
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C’est donc au cours d’un week-end ensoleillé de septembre dans le sud-ouest que j’ai compris ce que Freud appelait un acte manqué. J’avais par erreur, laissé traîner une lettre d’amour, dans laquelle il y avait beaucoup de détails sur mon escapade londonienne. Il ne fallait pas que ça arrive dans les mains de mes parents, mais mon manque d’attention a fait qu’elle s’est retrouvée sous leurs yeux. J’ai pris une grosse claque quand mes parents l’ont trouvée. Littéralement. Après ça, le silence. Puis le soutien de mes sœurs, le temps, l’évolution de la société, de la représentation et des droits LGBTQ ont eu raison de l’entêtement de mes parents. Ils se sont excusés d’avoir réagi de cette façon, et entretiennent aujourd’hui de très bonnes relations avec mon copain, qui n’est pas marseillais. »« Je me suis très vite rendu compte que je n'étais pas attiré par les femmes. Pendant longtemps je n'ai pas osé en parler et c'était normal à l'époque, enfin je pense. J'écoutais et j'observais les gens autour de moi et je voyais bien que l'homosexualité n'était pas du tout acceptée, faisait rire et reléguait la personne homosexuelle au second plan. Ces réactions m'ont bloqué si bien que je n'en ai parlé qu'à une seule personne. Pendant de longs mois, j'ai imaginé le moment de l'annonce de mon orientation sexuelle. Avec crainte. J'étais mort de peur à l'idée que mes amis et ma famille m'insultent, me tournent le dos et me rayent de leur vie. C'était devenu un casse-tête sans solution apparente qui m'empêchait de dormir, de manger et de profiter de la vie. Et puis j'ai décidé de tout coucher par écrit : la découverte de mon « orientation » pas comme les autres, son acceptation et, enfin, ma peur d'en parler à ceux que j'aime. J'ai lu ce texte à mes proches lors d'une réunion de famille et à mes amis à l'occasion d'un dîner en petit comité. J'ai beaucoup pleuré, vraiment beaucoup en répétant à plusieurs reprises : « Ne m'en voulez pas, ne me reniez pas ». Je suis parti après la lecture de cette lettre. Rapidement, sans rien ajouter.
Alain*, 57 ans, employé en assurances
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Je n'ai pas donné de nouvelles pendant de nombreuses semaines, paralysé par les potentielles réactions des uns et des autres. J'étais soulagé mais pas complètement. Je pense que le temps a permis à tout le monde « d'encaisser » la nouvelle. Le contact avec mes proches s'est petit à petit rétabli avant de se normaliser. Mes amis et ma mère ont été soulagés car ils voyaient bien que quelques chose clochait depuis de nombreux mois. Pour eux, c'était mon bonheur avant tout. Mon père, lui, est toujours resté silencieux à ce sujet. De la pudeur peut-être, de la gêne plus sûrement. Mais une chose n'a pas changé : je n'ai jamais cessé de ressentir l'amour qu'il me portait. »« Le coming out le plus important dans ma vie a été pour mes parents. Vers mes 25 ans, ils ont commencé à imaginer que je trainais avec des gens louches puisque je partais souvent en week-end avec quelqu’un dont je ne parlais jamais. À force de ne rien leur dire, ils se sont mis à bader et à penser que je leur cachais des choses pas nettes. Les voyant paniquer, je me suis dit qu’il fallait vraiment que je lâche le morceau. Un soir, un peu éméchée, je leur ai écrit une lettre où je leur racontais tout, avec des mots simples. Comme j’habitais loin, je leur ai envoyé par mail. Puis j’ai commencé à stresser en me disant qu’ils allaient m’appeler immédiatement ou même débarquer chez moi. En fait, non. Ils m’ont répondu avec une vraie lettre avec – eux aussi – des mots très simples. Comme jusqu’à mes 25 ans, je n’étais sortie qu’avec des mecs, ils n’avaient pas du tout imaginé ça, même si toute mon enfance j’avais les cheveux courts et qu’on me prenait pour un petit garçon. Après cette lettre, on n'en a plus jamais reparlé. Aujourd’hui, je viens souvent chez eux avec ma copine, qu’ils adorent. »Plusieurs personnes ont décliné notre proposition de témoignage, leurs histoires étant encore trop douloureuses, même relatées anonymement.* Les prénoms de certaines personnes ont été modifiés pour préserver leur anonymat.VICE France est sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.