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Music

Comment réagir à l'élection de Donald Trump quand on est musicien ?

De la tristesse à l'optimisme, de la colère à la connerie, de Ty Segall à Maître Gims, de Kaaris à Bon Jovi.

L'impact de Donald Trump sur le monde de la musique pourrait être assez énorme si tout le monde tenait ses promesses mais il est probable que l'effet s'estompe assez rapidement et que tous ces gens se rappellent qu'être riche en Amérique, c'est quand même sympa. Mais pour le moment, les cicatrices sont encore à vif et popstars, rockeurs et rappeurs vivent encore la parenthèse enchantée dans laquelle tous se tiennent la main pour faire une ronde. Chacun aborde toutefois le problème à sa manière, selon sa position, son tempérament ou son degré de mongolerie.

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OPTION #1 : LA TRISTESSE
Réaction assez logique quand on se sent visé de près ou de loin par les attaques du désormais nouveau leader du Monde Libre. Du dégoût au kilo drapé dans de la dignité au kilomètre. Faut avouer que c'est plutôt mignon au final.

Ceci dit, Snoop a apparemment vite trouvé de quoi se consoler.

OPTION #2 : EN FAIRE DES TONNES
C'est bien sûr la tentation première d'une star de la musique, galvanisée par son public qui ne demande que ça et chauffée à blanc par les médias. C'est là que sortent les déclarations les plus spontanées et c'est aussi ce qui fait leur charme. Bon ok, il  y a aussi eu Macklemore qui l'a une fois de plus jouée 100 % emo en confondant instagram avec son journal intime, mais passons. Comme les grands esprits se rencontrent, on retrouve quelques grands axes :

1/ Le name-dropping d'Hitler

2/ Les références à l'esclavage et à la guerre civile

3/ Les références à la dictature (et, par extension, l'apocalypse)

4/ Ceux qui ramènent tout à eux-mêmes et dont la réaction la plus constructive serait de se faire un tatouage de mec bourré comme au lendemain d'une victoire sportive.

5/ Et puis Lady Gaga sur un camion poubelle, parce que la cohérence ça se travaille au jour le jour.

En résumé : les Blancs évoquent Hitler, les Noirs politisés évoquent Hitler et OJ Simpson, les Noirs en général font des blagues sur l'esclavage.

OPTION #3 : S'EN FOUTRE
On l'oublie souvent mais cela reste une option tout à fait envisageable. Les raisons de l'absence de réaction outrée sont diverses : certains rappeurs estiment que leur situation en tant que Noirs était déjà déplorable avant Trump tandis que d'autres relativisent l'étiquette « worst president ever ».

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Mais le meilleur restent ceux qui sont simplement neutres voire totalement déconnectés de la sphère médiatique, comme ce mec de Guns N'Roses (enfin c'est ce qu'il prétend hein).

Sans oublier Alkpote et Niska qui ont envoyé leur clip juste après l'annonce des résultats, et même si ce n'était pas fait exprès on les en remercie, ce gif étant le meilleur remède aux coups de blues que l'on puisse imaginer.

OPTION #4 : L'HUMOUR 
Un grand classique qui ne déçoit jamais. Billevesées et calembredaines sont une protection toujours efficace contre les baisses de moral, et les musiciens ne font pas exception.

Pour ce qui suit, difficile de savoir si c'est volontaire ou pas mais le poème est suffisamment perché pour qu'on le garde dans la catégorie parodies.

Un mec marrant a remixé le « Marine »de Diams en remplaçant toutes les mentions du nom de la boss du FN par « Donald Trump », ce qui fait passer le morceau de nul à carrément exécrable et ça c'est une prouesse.

Trumps, groupe de rock de Poitiers, s'est vu dans l'obligation de changer de nom pour ne pas être affilié au monsieur orange qui va squatter la Maison Blanche. Il ont donc demandé à leurs fans de leur suggérer un nouveau nom, ce qui a débouché sur des propositions cocasses comme The Lepens ou The Hillarys, que le groupe déclinera malheureusement pour choisir Odd Zoo. Rappelons que niveau malchance, les mecs cumulent les coïncidences merdiques : la sortie de leur premier titre était datée du 13 novembre 2015, forcément éclipsée par une actualité déjà un peu chargée.

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Rihanna a tenté le coup elle aussi en postant la citation de Trump méprisant l'électorat républicain, citation qui tournait depuis des mois sur la toile mais qui s'est avérée complètement fausse, ce qui a conduit la chanteuse à effacer sa publication. C'est balot.

Dans nos contrées, Gims a lui aussi surfé sur l'actu en prétendant arrêter sa carrière par dépit. C'était finement joué, ça a d'ailleurs un peu trop bien marché puisque non seulement pas mal de cons sont tombés dans le panneau alors même que l'artiste avait annoncé un clip pour le 11 novembre, mais en plus d'autres se sont permis de fêter la chose sur le mode « l'élection de Trump aura au moins un effet positif », et on les comprend. Sauf que le lendemain Maître Gims expliquera qu'il s'agissait d'un canular (« après le poisson d'avril, je vous présente l'écureuil de novembre », quoi que cela puisse bien vouloir dire) et profitera de l'occasion pour annoncer son troisième album solo, ce qui signifie que non, les relations franco-américaines ne s'amélioreront pas de sitôt. On notera la similitude de la blague de Gims avec celle de Rohff en 2011 où il avait laissé croire qu'il arrêtait sa carrière avant de dire que c'était « un poisson d'octobre » (les rappeurs français ont du mal à respecter les dates, on ne juge pas). Dans les deux cas ce n'est pas spécialement une blague, ce n'est pas spécialement drôle non plus, mais c'est aussi ça le hip hop : des gens qui disent et font n'importe quoi pour amuser la galerie.

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Et bien sûr que ferait-on sans l'indispensable running gag Kanye West, qui après un tweet plutôt classique sur son incrédulité devant les résultats, a vite repris son rôle pour notre plus grand plaisir.

OPTION #5 : L'OPTIMISME 
La catégorie la plus chiante, on ne va pas se mentir. Que ce soit les rappels que demain est un autre jour, qu'il reste de l'espoir ou d'autres lieux communs répugnants, tout le monde y va de son petit rayon de soleil et c'est insupportable.

Certains vont jusqu'à enchaîner des combos optimisme + j'en fais des tonnes, avec des résultats assez divertissants.

Martin Shkreli a tenu sa promesse et dévoilé (des extraits de) son album du Wu-Tang Clan​, ce qui croyez-le ou non était finalement la seule raison de voter Trump pour tout Américain qui se respecte un minimum.

Kroc Blanc, en bon rappeur français « patriote » (si, ça existe) a lâché un freestyle sobrement intitulé « Trump », dans l'euphorie du moment. C'est évidemment excessivement mauvais, mais comme à chaque fois qu'un mec d'extrême droite se réjouit de quoi que ce soit, le potentiel comique est énorme bien que totalement involontaire. La description « petit rap, l'un des plus beaux jours de ma vie », le fait qu'il s'agisse d'un egotrip où le mec adopte le point de vue de Trump à la première personne, le clip et le montage collector, tout est là.

El-P a fait la connerie d'essayer de voir le bon côté des choses en disant que les rappeurs allaient être amenés à être super bons sous un président pareil (« on the bright side rap music is about to be even more awesome in 2017 now »), puis il a réalisé que cette perspective ne faisait sourire personne et a supprimé son tweet.

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DJ Weedim (qui travaille régulièrement avec Vald et Alkpote) a fait un montage en l'honneur du nouveau président, et c'est assez affreux, mais l'élection américaine lui a également permis d'interagir avec le député et premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, et ça c'est beau d'un point de vue citoyen.

Dans le même registre, on peut mentionner le clip de Kaaris et Gucci Mane qui est un message d'espoir pour l'avenir de l'amitié franco-américaine malgré les bourdes répétées des politiques français qui se foutaient de la gueule de Trump. Kaaris, la diplomatie française lui dit merci.

OPTION #6 : S'EMPORTER
La base.

D'ailleurs T.I et Meek Mill ont carrément rejoint les manifs anti-Trump, T.I n'hésitant pas à se filmer en plein milieu et Meek Mill plus en retrait sur le côté, craignant sans doute que des fans de Drake soient également de la partie.

Henry Rollins a écrit dans l'édition australienne du magazine Rolling Stone : « l'Amérique vient juste de se jeter dans une rivière avec un rocher attaché autour du cou, ne les imitez pas » et appelle gentiment le vice-président Pence « an extraordinary dipshit »

Fat Wreck Chords​, le label de Fat Mike (NOFX), a commencé la vente de T-shirts à l'effigie de Trump avec le slogan « Not My Fucking President », ça n'a jamais servi à rien mais on ne change pas les bonnes habitudes et l'argent ira normalement à des assos.

HORS-COMPÉTITION
Azealia Banks​ fait depuis maintenant de longues années des efforts surhumains pour faire parler d'elle sans jamais y parvenir réellement sur le long terme, y compris quand elle se bastonne avec Russell Crowe. Du coup, elle a mis le paquet sur Trump, d'abord en jouant le troll qui affirme son soutien au candidat, puis en jubilant suite à sa victoire.

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Bref, c'est un peu comme le mec qui s'habille comme un clodo le jour de la photo de classe pour jouer les anticonformistes et qui se retrouve mascotte de l'école suite à un malentendu.

Beaucoup de bruit pour pas grand chose donc, mais est-ce réellement une surprise ? Non, bien sûr, c'est dans l'ordre des choses. On reste toutefois sûrs d'une chose : la seule analyse de l'élection américaine qui vaudra le coup, ce sera celle de Despo Rutti.

Yérim Sar est sur Twitter​.