FYI.

This story is over 5 years old.

Bonjour amis du péché

My Bloody Valentine, David Bowie et l’URL des choses à venir

Ah, et arrêtez de critiquer l'artwork pourri de My Bloody Valentine, aussi. Leurs artworks ont toujours été pourris.

Le week-end passé, My Bloody Valentine a agité ce truc qu’on appelle « la blogosphère » en filant enfin la date de sortie d’un album que j’attendais depuis environ vingt-deux ans (je suis de la génération dont les oreilles ont été anéanties par la guitare de Kevin Shields).

Tout cela m’a rappelé l’e-mail que j’ai reçu d’un de mes contacts il y a quelques semaines. Le type l’avait envoyé à tous ses amis et il contenait un truc du genre : « Mon père vient de sortir de nouveaux titres et il compte sur vous pour faire passer le mot. » Je reçois des mails du même acabit assez souvent : des gens qui me disent qu’eux-mêmes ou leur pote/meuf/mec sortent un nouveau morceau, et me demandent de relayer le truc en tweetant ou en rédigeant un truc à ce sujet. Dans mon petit pré carré sur Internet, je suis connu pour m’intéresser à toutes les nouveautés qui sortent. Je fais même un podcast de morceaux ambient obscurs. Ces mails contiennent en général un lien Bandcamp ou Soundcloud en bas de page, deux plateformes que j’adore. Parfois, il s’agit d’un lien vers des vidéos YouTube ou Vimeo.

Publicité

Le mail en question venait d’un réalisateur répondant au nom deDuncan Jones (Moon, Source Code), dont le père est David Bowie. Si je le précise, ce n’est pas pour que vous compreniez Ô combien je suis important, célèbre et surtout sexuellement attirant (je le suis), mais plutôt afin de vous expliquer le comique de la situation. Ce mail avait également un petit lien en bas de page. Lien qui m’a directement envoyé sur la planète Vimeo.

David Bowie, qui n’avait pas sorti un seul morceau en dix ans et qui s’était abstenu de tout effet d’annonce préalable, avait simplement agi de la même manière que le commun des mortels. Il avait balancé un lien afin de promouvoir une vidéo qu’il avait faite lui-même. Évidemment, les moyens de Bowie sont substantiellement plus importants que ceux, je sais pas moi, un producteur de techno à Hull. Mais la façon de procéder pour diffuser son œuvre était fondamentalement la même. La seule différence se situant peut-être ici : contrairement au commun des mortels, qui n’ont pas les moyens de prévenir le monde entier qu’ils s’apprêtent à sortir un nouveau morceau et qui le diffusent de façon virale en croisant les doigts pour que plus de deux personnes l’écoutent, Bowie a choisi de procéder ainsi.

Bowie a toujours été plutôt balèze pour prendre la température de la culture, en extrayant les choses qui lui semblaient utiles pour les infléchir comme ça l’arrange. Je n’arrive pas à croire qu’il n’ait pas réalisé que si tout le monde fait ça, c’est juste parce qu’ils n’ont pas d’autre solution.La plupart des musiciens contemporains, et dieu sait s’ils sont nombreux, n’ont pas tout un département marketing à leur botte et s’appuient généralement sur le bouche à oreille. Et ce parce que, dans cette immense jungle mal curatée qu’est Internet, nous avons appris à être attentifs. Nous vivons désormais dans un monde où des auteursde best-sellers ont atteint des sommets de célébrité sans aucune publicité payante ou article de presse. Amanda Hocking est devenue millionnaire à l’insu de tous.

Publicité

Ça fait un petit bout de temps maintenant qu’on est entré dans le futur de l’art, mais il a fallu un génie sombre du marketing occulte comme David Bowie pour rendre ces mécanismes légitimes. Imaginez un instant qu’il ait présenté l’extrait à l’ancienne ou de la façon dont les films sont commercialisés de nos jours : la lente construction de l’attente, les teasers, la rumeur. Certaines personnes déplorent la disparition de ces étapes, car oui, le frisson de l’anticipation se fait de plus en plus rare en musique aujourd’hui. Mais ce qui se perd également, c’est la déception du troisième album ou du deuxième livre tant attendus. Je dirais que ce qu’on a aujourd’hui, malgré les difficultés, est quelque chose de bien plus vivant, généreux et magique.

Ce que Bowie a fait, ce que tous les artistes du monde entier font chaque jour, aujourd’hui même, c’est offrir un cadeau. Pensez-y : vous vous levez le matin, et vous ouvrez la porte de l’Internet pour découvrir tout ce qui a pu déconner pendant que vous dormiez. Et parfois, vous tombez sur la nouvelle chanson de Bowie, ou de My Bloody Valentine.

Les gens ont tendance à l’oublier, ou ne le savaient peut-être pas encore il y a quelques semaines, mais Internet permet comme jamais de diffuser de nouvelles œuvres d’art. On a la possibilité de découvrir des trucs nouveaux – et bien – tous les jours. On a la possibilité d’avoir une nouvelle chanson préférée au quotidien.

Publicité

Alors parlez de la musique que vous aimez. Soutenez et prenez dans vos bras les musiciens que vous connaissez ou suivez car, en ces prémices d’une culture réticulaire mondiale, ils rendent ce monde plus beau qu’il ne l’a jamais été. Oh, et arrêtez de critiquer l’artwork pourri de My Bloody Valentine. Ça a toujours été le cas.

Image : Marta Parszeniew

Précédemment :

ON NE S’AMUSE PLUS EN POLITIQUE – Mieux vaut un politicien diabolique qu’un politicien chiant

LA POSSIBILITÉ D’IMPRIMER SON PROPRE PÉNIS – héhé.